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Ewilan et CIE

Livre 1 : D'un monde à l'autre, chapitre 1 : Ewilan. 9

Rédigé par Arthur Petit

Camille s'assit dans l'herbe face à Edwin. Un frisson la parcourut.

La nuit était presque compète et la température avait baissé spectaculairement. Elle n'était vêtue que d'un tee-shirt, d'un blouson léger et d'un jean. La chaleur du feu ne parvenait pas à la réchauffer. Elle croisa les bras sur son ventre en enfonçant la tête dans les épaules.

Edwin, lui, ne paraissait pas souffrir du froid. Camille l'observa avec attention.

C'était une homme assez grand, au cheveux courts coupés en brosse, déjà presque blancs bien qu'elle ne lui donnât pas plus de quarante ans. Il était vêtu d'une tenue foncée de cuir brut qui mettait en valeur la puissance de ses épaules. Son visage tout en méplats et sa peau mate faisaient ressortir le gris de son regard.

Il avait posé à ses côtés son long sabre à la lame légérement incurvée et son arc impressionnant. Il se tourna et fouilla un instant dans son sac. Il en sortit une couverture qu'il tendit à Camille.

- Enroule-toi là-dedans, proposa-t-il gentiment, c'est une peau de siffleur, elle te tiendra chaud.

Elle le remercia. La couverture était douce, légère et Camille sentit très vite une agréable chaleur l'envahir.

Salim choisit ce moment pour revenir, les bras chargés de branches qu'il déposa à côté du feu. Il claquait des dents mais, à son habitude, trouva le moyen de plaisanter.

- Voilà chef ! J'aurais volontiers coupé un arbre ou deux, mais j'ai oublié mon canif à la maison...

- C'est bien mon garçon, acquiesça Edwin sans se formaliser de la boutade, réchauffe-toi maintenant si tu ne veux pas tomber malade.

Camille lui proposa un pan de couverture.

Salim s'assit à côté d'elle et poussa un soupir de satisfaction lorsqu'il rabattit la peau sur ses épaules. Comme son amie, il remonta ses genoux et y appuya son menton.

Edwin les regarda en silence, puis se concentra sur Camille.

- Alors ?

Elle hésita un instant.

- Cela vous sera peut-être difficile à croire, mais nous ne sommes pas originaires d'ici, de ce monde je veux dire. Nous sommes arrivés par accident, même si ça nous a sûrement sauvé la vie.

- Ne t'occupe pas de ce que je peux croire ou comprendre, intervint Edwin, raconte-moi tout, depuis le début.

Camille respira profondément, jeta un regard à Salim qui lui adressa un clin d'oeil d'encouragement, et commença son récit, à peine troublé de temps à autre par le cri d'un animal sauvage.

Edwin ne l'interrompit pas, même lorsque, par deux fois, il alimenta le feu avec des gestes précis. Quand elle eut terminé, il se passa la main dans les cheveux.

- Cette histoire est surprenante, grogna-t-il à mi-voix, et m'oblige à un choix dont je me serais volontiers passé... Bon, nous allons essayer de manger un morceau, continua-t-il plus fort. Je n'avais pas prévu d'avoir des invités, mais j'ai de quoi vous rassasier, pour peu que vous ne soyez pas trop difficiles...

Camille haussa les sourcils.

- Nous aimerions aussi entendre ce que vous avez à nous dire.

- Et que pourrais-je avoir à raconter qui vous concerne ?

- Beaucoup de choses, affirma Camille. Qui sont ces marcheurs qui nous poursuivaient ? Où sommes-nous ? Pourquoi n'êtes-vous pas surpris par notre histoire ?

Edwin sourit.

- J'aurais dû m'attendre à ce que tu sois curieuse, les dessinateurs le sont toujours. N'attends pas toutefois que je te fasse un cours sur l'Imagination, les Spires et le pas sur le côté. Je ne suis pas analyste.

- Je ne pige rien, hasarda Salim.

- Vous avez compris, reprit Edwin sans tenir compte de l'intervention du garçon, que vous étiez passés dans un autre monde. Ce transfert, qui a dû être une sacrée surprise pour vous, n'en est pas pour moi. Nous savons depuis longtemps que deux mondes coexistent et qu'il est possible de passer de l'un à l'autre, même si les dessinateurs en mesure de le faire sont très peu nombreux. Ce passage s'appelle le pas sur le côté. Le grand pas, pour être plus précis.

- Les dessinateurs ? interrogea Camille.

- Ce sont des personnes qui ont le pouvoir d'évoluer dans une dimension peu connue dans votre monde. L'Imagination.

- Je ne saisis toujours pas, gémit Salim.

Edwin soupira.

- Bon... Un dessinateur peut rendre réel ce qu'il imagine. Pour ce faire, son esprit passe dans une dimension qui s'appelle l'Imagination et y progresse grâce à des chemins, les Spires. Plus le dessinateur est puissant, plus il va loin dans les spires et plus il peut jouer avec la réalité. Les plus doués parviennent à imaginer qu'ils sont ailleurs qu'à l'endroit où ils sont réellement et à s'y transporter instantanément. C'est le pas sur le côté. L'être à qui tu as pris la pierre, Camille, est un Ts'lich, une redoutable créature versée dans l'Art du Dessin et dans celui de la guerre. Il est heureusement incapable de passer d'un monde à l'autre, bien qu'il puisse parfois faire de petits pas sur le côté. Un petit pas est similaire à un grand, sauf qu'il s'exécute dans un même monde et qu'il est plus facile à réaliser. C'est certainement le Ts'lich qui a envoyé les marcheurs à tes trousses pour récupérer son bien.

- La pierre ? s'étonna Camille.

- Oui, il est probable qu'il s'agisse d'un sphère graphe, une aide précieuse pour les dessinateurs dans les spires. Celle que tu as trouvée n'est utilisable que par un Ts'lich, mais les humains possèdents parfois des objets semblables.

Camille ouvrait la bouche pour interroger Edwin sur ce dernier point quand Salim la devança.

- Et ces araignées, ces marcheurs ?

- Ce sont des êtres qui vivent normalement dans les cavernes de la chaîne du Poll. Ils ne dessinent pas - cela est réservé aux créatures douées d'intelligence -, pourtant ils ont la faculté naturelle de faire le grand pas. Leur nom vient de cette capacité. Ils auraient pu s'appeler dévoreurs ou faucheurs, mais, comme ils arpentent les deux mondes, ils sont les marcheurs. Les Ts'lichs les dressent et les utilisent pour tuer à distance.

Camille voulut relancer la conversation sur le Dessin, mais Salim la prit de vitesse une nouvelle fois.

- Le pas sur le côté, les marcheurs, les Ts'lichs, ronchonna-t-il, tout cela est bien beau, mais quel est le rapport avec Camille ? Pourquoi se retrouve-t-elle avec ces pouvoirs et les dangers qui les accompagnent ?

- Je ne sais pas , bonhomme. Nous vivons une période noire. Les humains ont fondé l'Empire de Gwendalavir, mais aujourd'hui celui-ci est gravement menacé. Nous repoussons depuis des générations les invasions des Raïs, une race non humaine qui vit au Nord. Ils sont bien plus nombreux que nous, mais le pouvoir de nos dessinateurs a toujours largement contrebalancé ce désavantage. Malheureusement, les Ts'lichs, qui les manipulent, ont réussi à placer un verrou dans les Spires. Les dessinateurs alaviriens doivent se contenter de piètres créations, de dessins de débutans. Or, je vous l'ai dit, un pas sur le côté représente un acte de pouvoir extrêmement fort. Il est étonnant que vous soyez parvenus à l'effectuer ! Votre arrivée est donc un signe d'une grande importance.

- Les Spires, le Dessin, commença Camille, il faut que j'en sache plus. Est-ce que je suis une dessinatrice ?

- Je ne peux l'affirmer, répondit Edwin, mais je le crois. J'en suis suffisamment convaincu pour abandonner la mission qui m'a conduit ici. Je regrette d'ailleurs d'être entré à pied dans la forêt? Demain, mon cheval nous manquera...

Il se leva pour raviver les flammes.

- Allumer le feu à l'aide d'un graphe est une chose que beaucoup de gens savent faire ici, ajouta-t-il. Tu as cependant utilisé des couleurs qui n'auraient pas dû être à ta disposition, comme si tu n'étais pas concernée par le verrou ts'lich. Cela peut représenter un danger. Un dessin trop marqué attire souvent l'attention de créatures inamicales. Tu dois te montrer plus prudente désormais. Tu comprends ?

Camille acquiesça, consciente que tant qu'elle n'en saurait pas davantage, mieux vaudrait suivre les conseils d'Edwin.

Celui-ci sortit de son sac des bâtonnets durs et secs qu'il leur tendit.

- C'est de la viande fumée de siffleur. Impossible de faire plus léger et plus nourrissant mais, honnêtement, c'est mauvais. A vous de voir. Sachez toutefois que, demain, un long chemin nous attend. Il faudra être en forme.

Les bâtonnets avaient vraiment un goût exécrable. Camille renonça vite au sien, mais Salim s'évertua à finir sa part.

_ Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir sauvé la vie, lança-t-il entre deux bouchées. Vous ne pourriez pas nous renvoyer chez nous ?

- Je ne sais pas dessiner à ce niveau et j'ignore comment fonctionne le grand pas. De plus, comme je vous l'ai expliqué, un tel dessin est en ce moment impossible. Si vous voulez rentrer chez vous, je crains que vous ne deviez vous débrouiller seuls.

Camille fronça les sourcils. Il lui semblait percevoir dans la voix d'Edwin une hésitation inhabituelle.

- Vous connaissez peut-être quelqu'un capable de nous aider ?

- Non.

La réponse était sèche et définitive. Edwin s'allongea dans l'herbe, son sabre à portée de main, et leur tourna le dos signifiant ainsi qu'il n'était plus temps de parler.

- Personnellement, que je sois ici ou aux Peintres, ça ne change pas grand-chose, remarqua Salim. D'autant que je dois être en train de rêver. En tous cas, si je suis vraiment ici, personne ne remarquera que je ne suis pas rentré. Par contre ça risque de chauffer pour toi, non ?

- Je crois que nous sommes vraiment ici, observa Camille en souriant, et, pour répondre à ta question, ça chauffera certainement à mon retour. Mais comme je n'y peux rien, je ne vais pas me faire une entorse au cerveau avec ça.

- Sage décision, ma vieille.

Camille regarda leur guide dont la respiration était devenue régulière.

- On dort ? proposa-t-elle à son ami.

Salim approuva et ils s'allongèrent, se recouvrant au mieux de la couverture prêtée par Edwin.

Le feu baissa peu à peu, et une multitude d'étoiles se révélèrent dans un ciel parfaitement dégagé.

Camille laissa dériver ses pensées au gré de ce qu'elle venait d'apprendre. Elle avait l'impression que sa vie était un puzzle immense dont toutes les pièces étaient mélangées.Impossible d'avoir une idée de son dessin final.

A côté d'elle, Salim souriait, les yeux grands ouverts. Il n'aurait cédé sa place pour rien au monde.

Edwin non plus ne dormait pas, mais bien habile aurait été celui capable de lire ses pensées.

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