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Ewilan et CIE

Livre 1 : D'un monde à l'autre, chapitre 1 : Ewilan. 10

Rédigé par Arthur Petit

Lorsque Camille ouvrit les yeux, le jour pointait à peine. Le mouvement qu'elle fit en se redressant réveilla Salim.

Ils se levèrent au moment où Edwin entrait dans la clairière, ses trois bâtons à la main.

- J'ai l'impression que vous avez bien récupéré, leur lança-t-il.

- Je n'avais jamais dormi à la belle étoile, di Camille. Je ne pensais pas que ce serait si agréable.

- Parle pour toi ma vieille, ronchonna Salim, je suis tout ankylosé.

- Et avec ça, c'est moi qui suis ta vieille, se moqua Camille.

Salim éclata de rire et se mit à marcher sur les mains sous le regard étonné d'Edwin. Au bout de plusieurs mètres, il tomba à la renverse et, après un roulé-boulé, se releva d'un pirouette.

- Il ne manquait plus qu'un marchombre ! soupira Edwin à vois basse.

Puis il ramassa son sac qu'il jeta sur ses épaules.

- En route, nous avons du chemin à faire.

- Où allons-nous ? demanda Camille sans bouger.

- Chercher des réponses. Ca te convient ?

Camille haussa les épaules. Elle détestait avancer à l'aveuglette, perdre le contrôle de ses actes et de ses choix, mais elle avait appris à se plier aux exigences extérieures quand elle ne pouvait agir autrement. Elle se voyait mal secouer Edwin en rélamant des explications qu'il n'était d'ailleurs peut-être pas en mesure de lui donner, aussi se contenta-t-elle de lui adresser un sourire volontairement outrancier et de lui emboîter le pas, suivie par Salim.

Probablement pour se faire pardonner, Edwin se montra plus bavard que le veille.

Il évita soigneusement le sujet du Dessin et du pas sur le côté, mais répondit à leurs questions que la forêt qu'il traversaient et sur son monde en général.

Camille et Salim apprirent ainsi qu'ils se trouvaient dans la forêt de Baraïl, frontière ouest de l'Empire de Gwendalavir, actuellement en guerre contre les Raïs au nord et en butte aux attaques des pirates alines au sud. Les premiers étaient une race de monstres n'ayant d'humanoïde que leur position bipède. Ils vivaient de l'autre côté de la chaîne du Poll dans des royaumes que peu d'hommes avaient explorés. Les seconds, des humains, pillaient l'Empire dès qu'ils le pouvaient.

Il évoqua également sa mission. Il avait l'intention, avant leur rencontre, de traverser la forêt de Baraïl pour contacter les Faëls, des non-humains, et jeter les bases d'une alliance avec eux. Chercher des alliés n'était pas une responsabilité que l'on confiait au premier venu, et Edwin semblait si préoccupé par le sort de l'Empire et en parlait avec une telle conviction qu'on se doutait qu'il détenait une position importante en son sein. Il avait toutefois décidé de rebrousser chemin pour les guider et Camille se demanda ce qui rendait leur arrivée aussi essentielle à ses yeux. Certes elle avait fait un grand pas, mais c'était si fortuit...

Ils observèrent une pause en milieu de matinée, près d'un ruisseau qui coulait paresseusement entre les arbres.

- Vous pouvez boire, annonça Edwin, l'eau est potable.

Les deux amis se désaltérèrent et en profitèrent pour étendre un moment leurs jambes lasses.

- Vous ne marchez donc jamais, dans votre monde ? ironisa gentiment Edwin.

- Nous utilisons des voitures, des trains, des avions, répliqua Salim vexé, c'est plus rapide et moins fatiguant.

- Je vois, jeta Edwin.

- Notre monde ne vous intéresse pas ? s'étonna Camille.

- J'ai lu des descriptions de voyageurs qui l'ont parcouru mais, pour être honnête, non, il ne m'intéresse pas vraiment. J'ai assez de travail et de surprises dans le mien.

Salim se leva et s'étira.

- Nous allons marcher encore longtemps ?

- Nous sommes proches de la lisière est de la forêt. Si tout se passe bien, ce soir nous dormirons dans des lits.

- Où nous conduisez-vous ? demanda Salim. A la capitale de l'Empire ?

Edwin eut un rictus moqueur.

- Al-Jeit est à des centaines de kilomètres d'ici, mon garçon. Les lits dont je parle sont dans une auberge d'Al-Vor, ville la plus importante de la région.

Camille se leva à son tour.

- Quand je rentrerai chez moi, mes parents me découperont certainement en tranches avec un couteau émoussé avant de me faire frire, mais je dois avouer qu'en attendant j'ai l'impression de vivre un rêve sacrément agréable.

Elle donna une tape sur le bras de son amis.

- Pas vrai, mon vieux ?

Un immense sourire illumina le visage de Salim.

- Tu l'as dit, ma vieille !

- En route !

Edwin, du menton, désignait l'est, lorsque, soudain, il s'immobilisa. Ses traits se durcirent et il laissa son sac glisser à terre. Il posa une main sur la poignée de son sabre qui dépassait de son épaule et se touna vers Camille.

- Derrière moi, vite ! Je sens quelque chose. Tu as dû laisser traîner une part de ton esprit dans l'Imagination et ça les a attirés !

Camille eut un air effaré et regarda autour d'elle. Au même moment, la spère graphe dans sa poche se mit à tressauter.

- Qu'est-ce que... ?

- Sors des Spires, je te dis ! Bon sang, c'est vrai tu ne...

Il y eut un bruissement dans l'herbe de l'autre côté du ruisseau et Edwin se tut. Drapé dans sa tenue de mailles argentées, un Ts'lich les regardait du haut de ses deux mètres.

Salim frissonna en le découvrant. Jamais, dans ces pires cauchemars, il n'avait imaginé pareil monstre.

Le sabre d'Edwin chuinta en sortant du fourreau. Le Ts'lich franchit le ruisseau d'une fluide enjambée et se campa face à eux, ses lames osseuses croisées devant lui. Camille avait eu l'occasion de constater la rapidité et la violence des Ts'liches. Elle se crispa, s'attendant à un assaut sanglant, pourtant Edwin prit la parole d'une voix basse et calme.

- Me reconnais-tu, Ts'lich ?

Il tenait sa lame en garde basse, les deux mains sur la poignée et Salim, qui avait jugulé sa peur, le trouva presque aussi impressionnant que le Ts'lich. La créature s'inclina imperceptiblement et les mots jaillirent de sa gueule aux mandibules acérées.

- Tous ceux de ma race connaissent Edwin Til' Illan.

- Alors pourquoi ton pas sur le côté t'a-t-il conduit ici ?

- Je viens chercher mon bien, siffla le Ts'lich.

- La spère graphr ?

Le coeur de Camille s'emballa dans sa poitrine. Etait-ce le Ts'lich auquel elle avait dérobé le bijou ?

- Je me moque de la spère graphe !

Le Ts'lich avait crié. Camille et Salim reculèrent d'un même pas, mais Edwin ne broncha pas. Seule l'extrémité de sa lame remonta de quelques centimètres. Le Ts'lich continua d'une voix suintante de venin :

- C'est Ewilan que je veux. C'est elle que je viens prendre, afin d'achever l'histoire.

Pour la première fois, Edwin parut surpris. La créature prit de l'assurance.

- Ne me dis pas que... Toi, le chien de garde de l'Empire, tu ignorais qui t'accompagnait ?

De sa gueule sortit un hideux sifflement que tous interprétèrent comme un rire.

- Peu importe ta bêtise, reprit-il. Elle est à moi depuis que je l'ai vue.

Il fit mine d'avancer, mais la voix d'Edwin, porteuse d'une mortelle menace, l'arrêta.

- Tu dis que tu me connais, tu sais donc que si tu me défies, ta race va perdre un de ses membres ? Elle ne peut se le permettre...

- Je le sais, Edwin Til' Illan, et rien ne saurait me forcer à te combattre. Le légendes parlent de toi, l'unique humain qui, par quatre fois, a réussi l'exploit de défaire un guerrier ts'lich. Pourtant, même le champion des Alaviriens ne pourrait survivre à un affrontement contre deux d'entre nous.

L'air se troubla une fraction de seconde et un second Ts'lich apparut à côté du premier.

- Alors, Edwin Til' Illan, m'accorderas-tu ce que je suis venu chercher ou tenteras-tu de bouleverser les légendes ?

Edwin resta immobile, sa lame dirigée vers le premier Ts'lich, ses yeux fixés sur lui. Quand il parla, ce n'était pas aux monstres qu'il s'adressait.

- Camille, ou qui que tu sois, prends les trois bâtons dans mon sac et plante-les derrière moi. Ce sont des alarmes de Merwyn. Quelle que soit l'issue du combat, elles vous donneront dix minutes d'avances.

- Mais... commença Salim.

- Faites-moi confiance. Je n'ai pas dit mon dernier mot et je me débrouillerai pour vous rattraper. Camille, ne dessine pas, tiens-toi le plus loin possible des Spires oi ils te retrouveront.

En silence, Camille saisit les trois bâtons. Ils étaient polis par l'usage, les plumes colorées qui les couronnaient retenues par un mince lacet de cuir. Elle les planta dans le sol, et eut la brève impression qu'ils commençaient à bourdonner sourdement.

Edwin semblait retenir les Ts'liches par la seule force de son regard.

- Courez, maintenant ! hurla-t-il soudain.

Son sabre décrivit une courbe fulgurante et un Ts'lich vacilla une seconde avant de se ressaisir. A hauteur de son abdomen, la tunique de mailles était déchirée et une vilaine plaie laissait s'écouler un épais sang vert.

- Courez, j'ai dit !

Ils tournèrent les talons au moment où les Ts'liches se jetaient sur Edwin. Du coin de l'oeil, Salim le vit parer la première attaque, son arme dressant devant lui une véritable barrière d'acier, puis il ne songea plus qu'a fuir.

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