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Ewilan et CIE

Livre 1 : D'un monde à l'autre, chapitre 1 : Ewilan. 4

Rédigé par Arthur Petit

Salim, lui ne fut pas réprimandé pour son retard. A vrai dire, chez lui, on ne remarqua même pas son retour et personne ne se serait inquiété s'il n'était pas rentré de la nuit.

Il habitait dans une cité HLM, séparée du quartier chic où vivait Camille par la largeur du fleuve. Elle aurait pu en être éloignée d'un demi-continent tant la différence était saisissante.

Les façades de la cité Les Peintres étaient régulièrement ravalées par les différentes municipalités, soucieuses du paraître. Il ne sagissait pas que l'on accuse la petite ville de province, riche de tant de monuments historiques, d'être gangrenée par une banlieue à problèmes... A l'intérieur, c'était une tout autre histoire.

Salim avait toujours vécu aux Peintres, rue Picasso, au onzième étage d'une tour à l'ascenseur régulièrement hors service. Il partageait avec sa mère, ses cinq soeurs et deux de ses cousins un appartement de soixante-dix mètres carrés aux murs si fins que la douche que prenait leur voisin, avant de partir sur le chantier, le réveillait à cinq heures chaque matin.

Salim, depuis qu'il était petit, rêvait d'évasion. Il était doué d'une étonnante souplesse et d'une tonicité exceptionnelle qui auraient fait des merveilles dans un club de gym, s'il y en avait eu un aux Peintres... Ilétait dynamique, agile et endurant, mais il avait conscience que ces qualités ne lui permettraient pas de fuir sa cité et que, s'il voulait arriver à quelque chose dans sa vie, il lui faudrait beaucoup de courage, de travail et de chance.

Il était courageux, travailleur, et sa chance, il l'avait eue en rencontrant Camille.

Elle n'aurait pas dû se retrouver dans le même collège que lui. Les rares enfants de nantis qui vivaient sur le plateau de la tour romaine étaient inscrits dans de coûteux établissements privés, le collège du coin étant jugé trop mal famé par leurs familles et ouvrant des perspectives scolaires insuffisantes.

Seuls les parents de Camille l'avaient inscrite là, preuve selon Salim qu'ils ne lui prêtaient qu'une attention de façade et n'envisageaient pas de se compliquer la vie pour elle.

Salim essayait, tant bien que mal, de tracer son chemin en classe. C'était une tâche que sa famille, pour qui la réussite scolaire était secondaire, compliquait singulièrement.

Il avait découvert Camille en entrant au collège, trois ans plus tôt. Rien, a priori, ne la distinguait des autres élèves, mêmes vêtements, même affaires, même démarche, mais il sentit aussitôt qu'elle était différente.

Elle était jolie, très jolie, avec d'immenses yeux violets, beaux à vous faire tourner la tête, mais il y avait autre chose. Cette impression fut confirmée dès le premier cours.

Leur prof de maths, un homme entre deux âges, l'air un peu désabusé, entreprit de tester leurs connaissances. Pour la majorité des élèves, ce fut chose accomplie en quelques minutes. Salim tint le coup un peu plus longtemps, mais avec Camille le prof tomba sur un os.

Elle résolut les premiers exercices avec une telle facilité qu'une petite lumière de plaisir étonné s'alluma dans l'oeil de l'enseignant. Il corsa ses questions, tendit des pièges ; Camille répliqua avec la même aisance. La classe commença à s'agiter et le prof fronça les sourcils. Il passa au programme de troisième , ce qui ne sembla pas gêner sa nouvelle élève et, si la lumière brillait toujours dans l'oeil du prof, elle se teinta d'agacement. Des questions datant de ses souvenirs de fac, auxquelles Camille répondit sans coup férir, lui donnèrent à penser que le phénomène qui lui faisait face était peut-être meilleur que lui en maths. La sonnerie de fin de cours lui enleva la douloureuse possibilité de vérifier cette hypothèse.

Salim profita de l'intercours pour lier connaissance avec Camille et se premier jour de classe marqua le début d'une indéfectible amitié. Il ne savait pas trops quelles raisons elle avait de le fréquenter, mais il avait l'absolue certitude qu'elle était le génie qui, tôt ou tard, transformerait sa vie. Il avait en elle une confiance inébranlable.

Ce soir-là, quand il rentra chez lui, l'atmosphère lui parut encore plus confinée que d'habitude, presque irrespirable. L'appartement résonnait des piaillements de ses soeurs, des vociférations de la télé que ses cousins regardaient en continu et des cris de sa mère qui piquait une colère à tout bout de champ.

Salim attrapa de quoi grignoter dans le réfrigérateur et essa,ya de trouver un endroit calme pour faire ses devoirs.

C'était, bien entendu, chose impossible et il se résigna comme tous les soirs à se réfugier sur le balcon. Il s'était aménagé là un recoin à l'aide de cartons, d'un dessus de machine à laver et d'un vieil étendoir déglingué. C'était son domaine et, malgré son caractère paisible, il n'avait pas hésité à distribué sans compter des claques à toute sa fratrie jusqu'à ce qu'elle comprenne que c'était une zone interdite.

Salim s'installa du mieux qu'il put et ouvrit son livre pour essayer de comprendre le théorème de Pythagore.

Aussitôt son esprit s'échappa vers Camille qui, elle, n'avait certainement pas besoin de réviser quoi que ce soit. Elle n'en tirait aucune fierté et tentait plutôt de dissimuler qu'elle aurait pu, sans aucune difficulté, passer au lycée à la fin de l'année. Salim avait mis du temps à la comprendre.

- Mais pourquoi tu ne leur dis pas que tu sais déjà tout ? s'était-il un jour étonné.

- D'abord je ne sais pas tout, et puis qu'est-ce que ça m'apporterait ?

- Je ne sais pas, moi, la célébrité.

- Bof... Tu te souviens, en sixième, le prof de maths m'a fait la tête toute l'année parce que je lui ai montré ce que je savais, le jour de la rentrée...

- Il était vexé, Camille, oublie-le ! Ca ne te rendrait pas heureuse d'impressionner le collège entier ?

- Je crois, Salim, que je suis aussi heureuse que je peux l'être, pourquoi changer ?

- Mais...

- Si je partais au lycée, on ne se verrait plus. Ca compte, non ?

Salim n'avait rien ajouté. Il était hors de question qu'il perde Camille.

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