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Ewilan et CIE

Livre 1 : D'un monde à l'autre, chapitre 1 : Ewilan. 8

Rédigé par Arthur Petit

- C'est bon. Tu peux ouvrir les yeux !

Salim obéit à la voix de Camille. Le jardin avait cédé la place à une forêt d'arbres immenses et d'épais taillis... et il n'y avait plus trace de la moindre araignée.

- Mais... Qu'est-ce que... Où...

- Dans mon monde parallèle, probablement, et de justesse, une fois de plus.

Salim regarda autour de lui.

Tout semblait dissemblable, et pas seulement le lieu. L'heure même était différente. Alors que, quelques minutes plus tôt, la journée avait encore de longues heures devant elle, le soleil paraissait près de se coucher. L'air aussi était autre, plus odorant, plus pur.

- Camille... hoqueta-t-il, comment...

- Ne me demande pas comment j'ai fait, je n'en sais rien. Ne me demande pas non plus quel est cet endroit, je l'ignore. Je ne suis venue ici - si c'est bien ici que je suis venue - qu'une fois, et j'y suis restée le temps de voir un chevalier s'entraîner au vol plané et de manquer être coupée en morceaux par un lézard géant. Je ne sais pas non plus...

Camille se tut brusquement. Salim s'était raidi et de lourdes gouttes de sueur perlaient sur son front. Il fixait un point précis juste derrière elle, les yeux agrandis par la peur.

Elle se retourna lentement.

A l'endroit où ils étaient arrivés, les trois araignées venaient d'apparaître.

Camille jura entre ses dents. Elle envisagea la possibilité de s'enfuir en courant mais, très vite, abandonna cette idée. Les araignées avaient de telles pattes qu'il était stupide d'envisager de les battre à la course.

Elle se baisa doucement pour ramasser une branche morte qui gisait à ses pieds et se releva en brandissant son arme improvisée au-dessus de sa tête. Un frémissement parcourut le corps des araignées et Camille serra les mâchoires.

Un sifflement perçant se fit alors entendre, suivi d'un coup de vent près de son oreille. Une araignée s'affaissa, la hampe d'un longue flèche fichée dans le crâne.

Les deux araignée survivantes bondirent en avant.

Le sifflement retentit encore et elles ne furent plus qu'une.

Camille la vit arriver sur elle, ses deux tentacules meurtriers pointés sur son visage. Elle ouvrit la bouche pour un inutile hurlement, mais fut soudain projetée à terre par Salim qui avait plongé sur elle.

Le garçon fut le plus prompt à se remettre debout. Il se campa face à l'araignée qui fondit sur lui.

C'est alors qu'un homme de haute taille s'interposa. Une lame d'acier étincela et la créature s'écroula. Salim poussa un long soupir et s'accroupit près de Camille.

L'homme qui leur avait sauvé la vie repoussa l'araignée du pied, puis s'assura que les deux autres étaient bien mortes.

Immobiles, les monstres étaient encore impressionnants. Ils possédaient huit pattes, mais là s'arrêtait toute véritable ressemblance avec des araignées. Leurs corps étaient couverts d'une carapace sombre et huileuse et leurs deux tentacules les différenciaient de tout animal connu. A leur extrémitén un dard de plusieurs centimètre laissait suinter un liquide blanchâtre, certainement du venin.

L'homme scrutait le sol. Il se déplaçait avec une aisance quasi féline, son sabre à la main, sans faire craquer la moindre brindille. Il ramassa quelque chose par terre qu'il lança à Salim. Le garçon l'attrapa au vol et reconnut une de ses tresses.

- Désolé, fit l'homme avec un sourire, elle était sur la trajectoire de ma première flèche.

Il essuya soigneusement sa lame avant de la ranger dans son fourreau et se tourna vers les deux amis qui le dévisageaient, muets de stupéfaction.

- Je serais curieux d'apprendre les raisons de votre présenceici et ce que des jeunes gens comme vous ont à voir avec des marcheurs, mais ce n'est pas le moment idéal pour en parler. Nous devons d'abord nous éloigner. Les cadavres de ces créatures vont attirer des charognards qui ne crachent pas sur la viande fraîche...

Il parlait de la voix posée de celui qui a l'habitude d'être obéi. Il récupéra les flèches qu'il avait tirées et les examina attentivement. Il en jeta une qu'il devait juger trop abîmée, et nettoya l'autre avec une poignée d'herbe avant de la replacer dans le carquois qu'il portait à la ceinture.

- Je m'appelle Edwin, reprit-il. Suivez-moi.

Salim regarda Camille. Il n'appréciait pas le ton autoritaire d'Edwin.

- Tu peux nous faire rentrer chez nous ? murmura-t-il.

Elle fit une petite grimace.

- Pas que je sache. Désolée.

Salim eut un haussement d'épaules fataliste.

- Alors je suppose que nous avons intérêt à le suivre. Cette forêt est jolie, mais je ne suis pas sûr d'apprécier les bestioles qui y gambadent...

Camille opina de la tête et ils rejoignirent le guerrier qui, quelques mètres plus loin, ramassait un étrange sac de fourrure d'où pointaient trois bâtons terminés chacun par un bouquet de plumes.

- On peut dire que vous avez eu de la chance que je passe par là. Les marcheurs sont redoutables, les aiguillons de leurs tentacules sont empoisonnés et, pour ne rien gâcher, ils font le pas sur le côté !

- Qu'est-ce que... commença Camille.

Mais Edwin s'était déjà mis en route à grands pas et elle dur remiser ses questions. Ils marchèrent une bonne heure en silence. La forêt n'était pas très touffue, mais s'y déplacer au rythme imposé par Edwin rendait impossible une conversation suivie. Les arbres les écrasaient de leur masse, et plusieurs fois ils sursautèrent alors qu'une bête sauvage prenait la fuite sur leur passage. Au détour d'un hallier épais, ils aperçurent une magnifique créature chevaline à la tête couronnée de bois impressionnant, qui paissait l'herbe drue. L'animal tourna calmement la tête vers eux, les regarda un instant et s'enfonça dans les sous-bois, en ne manifestant aucune crainte.

- Tu as vu ce j'ai vu ? chuchota Camille.

Salim hocha la tête, les yeux écarquillés.

- On dirait, ajouta-t-elle, que nous venons de rencontrer le roi des cerfs en personne.

- Un cerf de trois mètres de haut ?

- Nous ne sommes plus chez nous, Salim, et nous risquons bien d'autres surprises de ce genre...

La nuit tombait et la forêt, dans l'obscurité naissante, devenait inquiétante.

Leur guide ne tarda pas d'ailleurs à faire halte dans une clairière dont le centre était occupé par un rocher haut comme deux hommes, recouvert d'un lichen grisâtre. Il pose son sac à terre.

- Allumez le feu pendant que je place mes alarmes, ordonna-t-il.

Camille et Salimse regardèrent une fois de plus avec étonnement, tandis qu'Edwin tirait de son sac les trois bâtons emplumés et s'éloignait vers la lisière des arbres.

- Je suppose, dit Salim, que nous pouvons commencer par ramasser du bois.

Ils amassèrent rapidement un fagot conséquent.

- Tu as des allumettes toi ? s'inquiéta Camille.

- Non et je n'ai pas de briquet.

- Il commence à m'énerver celui-là, ragea-t-elle, tout sauveur qu'il soit. Il nous fait marcher pendant une heure sans dire un mot, il ne nous donne aucune explication et ils nous demande d'allumer un feu, comme si on passait notre temps à ça.

- Du calme, ma vieille, se moqua Salim, un feu sans allumettes n'est rien à côté de ce que nous venons de vivre !

Camille sourit.

- Tu as raison, ce qui me fait penser que mes parents doivent commencer à s'inquiéter. Qu'est-ce que je vais leur raconter en rentrant ?

Salim pencha la tête d'un air surpris et s'approcha d'elle.

- Parce que, maintenant, tu peux nous faire rentrer ?

- A vrai dire, je n'en sais rien, admit-elle, mais comme ça a déjà fonctionné trois fois... Ah, notre héros est de retour !

Adwin s'approcha d'eux et considéra le tas de bois avec un air navré.

- La nuit va arriver, et le froid avec. Pourquoi n'avez-vous pas allumé le feu ?

Camille explosa.

- Parce qu'un feu sans allumettes est aussi facile à allumer qu'un éclat d'intelligence dans le regard d'une vache, voilà pourquoi !

- Par le sang des Figés, s'emporta Edwin, je ne sais pas de quoi tu parles, mais si tu continues à employer ce ton, tu vas finir avec les fesses cuisantes !

Camille ouvrit la bouche, puis se ravisa et se renfrogna.

A côté d'elle, Salim pouffa. Il n'aurait peut-être pas dû, car Edwin le remarqua.

- Et toi, au lieu de ricaner bêtement, va chercher du bois, pas des brindilles. J'ai dit que le froid allait tomber, on ne fait pas un pique-nique d'agrément.

Salim sursauta et, après une brève hésitation, obtempéra.

Edwin se tourna alors vers le fagot posé près du rocher et parut se concentrer. Camille le regarda, soudain très attentive. Il lui semblait discerner quelque chose de familier. Elle se concentra à son tour et elle comprit. Edwin était en train de dessiner !

Il était immobile, n'esquissait aucun geste, tout se déroulait dans son esprit, mais elle percevait clairement ce qu'il faisait. Il imaginait une flambée de bois et tentait de rendre réelle sa création, ce qui était loin d'être facile. Camille apprécia la finesse du dessin, en remarquant toutefois la faiblesse de certains traits. Dans son souvenir, les deux dessins qu'elle avait tracés étaient beaucoup plus précis, plus réalistes.

Le bois commença à fumer et Edwin poussa un petit grognement. Il peinait manifestement. Presque malgré elle, Camille tendit son esprit vers le dessin. En une fraction de seconde, les couleurs prirent de la netteté, les détails se précisèrent, le dessin devint réalité.

Le tas de bois s'embrasa tout à coup. Edwin se recula pour ne pas se brûler aux flammes qui montaient, hautes et claires.

Il se tourna vers Camille et planta son regard dans le sien.

- Assieds-toi, finit-il par dire, tu as beaucoup de choses à me raconter.

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